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Financement sans engagement : la nouvelle arme des constructeurs

Publié le 23 mars 2021

Par Catherine Leroy
9 min de lecture
Comment inciter les clients à dépenser leur argent et à acheter des voitures ? Le financement sans engagement est peut être une réponse. S’inspirant de ce qui existe dans le monde de la téléphonie, quelques marques en ont fait leur nouveau cheval de bataille.
Le financement sans engagement est proposé par plusieurs marques automobiles depuis quelques mois s'inspirant du modèle de la téléphonie mobile.

Question presque philosophique : à partir de combien de temps considère‑t‑on être engagé dans la vie ? Un mois, six mois, douze mois, vingt‑quatre mois ? Toutes les marques n’ont pas vraiment la même réponse, mais une chose est sûre, c’est qu’elles voient, dans le financement sans engagement, une solution très attractive pour séduire et attirer une clientèle qui, pour de multiples raisons, se montre de plus en plus hésitante.

 

"Le sans engagement est aujourd’hui dans l’air du temps", indique Lionel French Keogh, directeur général de Hyundai Motor France. Après Seat, le constructeur coréen est le deuxième acteur qui communique fortement sur ce service, alors que d’autres, comme Fiat ou Renault, déjà présents sur ce marché, du moins pour le constructeur italien, se montrent assez discrets. "Le sans engagement concilie la liberté de la location de courte durée avec des mensualités mesurées de la location de longue durée", résume‑t‑il. Ainsi, Hyundai propose de rendre sans frais le véhicule après six mois "pour éviter les effets d’aubaine", note Lionel French Keogh, quand Seat a fixé le retour possible au bout du 31e jour du contrat et Fiat, douze mois pour ne citer que ces marques.

 

Les retours semblent assez positifs : le sans engagement représente pour Seat 10 % des contrats locatifs, tandis que chez Hyundai, une i20 sur trois vendues en janvier était signée de cette offre. "Il est vrai que ces très bons résultats ont été poussés par notre politique commerciale, souligne Lionel French Keogh. Pendant cette période, nous avions proposé le sans engagement sans surcoût."

 

Le sans engagement, présent depuis 4 ans

 

Popularisé par Seat depuis le printemps 2019 et soutenu par une communication très active, le sans engagement n’est pourtant pas une offre nouvelle sur le marché du financement. Leasys, marque du groupe Stellantis et filiale de FCA Bank, l’a introduit sur le marché français en… 2017.

 

"Nous l’avions mis en place sur la Fiat 500, puis nous l’avons étendu à d’autres modèles du groupe", présente Igor Makovetzki, directeur général de Leasys France. Appelé Be Free, ce produit s’adresse aussi bien aux particuliers qu’aux professionnels.

 

Pour les premiers, les conditions de cette offre sont : aucun apport, un loyer fixe, des services optionnels, comme l’entretien, et donc la possibilité de rendre la voiture au bout de douze mois révolus ; pour les seconds, la date possible de retour sans frais passe à vingt‑quatre mois, mais l’entretien et la perte financière sont intégrés.

 

"Cette offre est née en Italie où elle a séduit 15 000 clients en 2019, année où elle a été élue produit de l’année", résume Igor Makovetzki. Aujourd’hui, Leasys France ne communique pas sur le nombre de contrats, ni sur le coût supplémentaire de ce produit et encore moins sur la rentabilité économique, mais selon nos informations, l’offre Be Free serait rentable pour le constructeur à partir de dix‑huit mois. "Be Free séduit beaucoup les entreprises, indique Igor Makovetzki. Ces dernières représentent 80 % de la clientèle. Ce produit correspond parfaitement à ce qu’attendent les TPE/PME qui n’ont pas beaucoup de visibilité, contrairement aux grands comptes."  C’est surtout pour Fiat, Jeep et Alfa Romeo un moyen d’acquérir le client et de le conserver.

 

Une clientèle CSP+

 

Le bras financier du groupe Renault, RCI Bank and Services, dispose également dans son portefeuille de produits du financement sans engage‑ ment. Créé en 2019, Renault Pass a séduit en 2020… 2 % de la clientèle, soit 3 000 contrats. C’est peu, très peu, surtout si l’on met cette part de marché en comparaison avec des études menées par la captive, qui montrent que 42 % des sondés souhaiteraient pouvoir restituer leur véhicule sans frais au bout de vingt‑quatre mois (pour une durée moyenne de LOA de trente‑neuf mois, NDLR), mais aux yeux de Thibault Paland, directeur général de la Diac, il s’agit d’un succès.

 

"Lorsque nous avons mis sur le marché Renault Pass, nous voulions tester l’appétence des clients", explique‑t‑il. Sur toutes les offres sans engagement, Renault Pass est la plus longue, car pour pouvoir rendre son véhicule sans frais, le client doit attendre vingt‑quatre mois. Du moins, jusqu’à présent. "Ce mois‑ci, nous avons lancé une offre appelée Renault Pass 2.0, présente‑t‑il. Elle permet aux clients de la Diac, en produits locatifs avec engagement de reprise, de sortir de leur contrat sans frais et en toute liberté dès le 6e mois du contrat."

 

Valable sur les Twingo, Clio, Captur et Arkana, l’offre est également complétée d’un contrat d’entretien désormais inclus dans le loyer financier. Ce passage de vingt‑quatre à six mois entraîne un surcoût de 10 %. "Notre offre est équilibrée afin que les trois parties, à savoir le constructeur, via sa captive, le concessionnaire et le client puissent s’y retrouver dans ce service", poursuit‑il.

 

Quant à la typologie de la clientèle, elle est urbaine, intéressée par les petits véhicules (Twingo, Clio, Captur) et fait partie des CSP+. Un portrait d’ailleurs assez similaire chez Seat. Le sans engagement pourrait‑il être décliné chez Dacia ? "Jusqu’à présent, nous avions choisi une autre stratégie, à savoir mettre en avant le coût journalier du financement, mais nous commercialisons également en mars une offre comparable au Renault Pass 2.0, qui s’appelle Dacia Flex", complète Thibault Paland.

 

Réservée aux captives

 

Si le financement sans engagement séduit un nombre grandissant de clients, il a un coût non négligeable pour les constructeurs ou les captives. Jean Achard, directeur du réseau et du développement chez Financo, et Grégory Tinon, responsable des marchés auto, moto et loisir, restent prudents sur la viabilité économique d’une telle offre, sauf si celle‑ci est financée par une captive. Et encore.

 

"Il s’agit d’un pari. Ce type d’offres permet d’accompagner le réseau dans des périodes troublées et de communiquer différemment auprès des clients qui sont, il est vrai, friands d’offres qui garantissent plus de souplesse", font‑ils remarquer. Mais son coût est notable pour les constructeurs et, surtout, pour les captives. "Pour que ces derniers ne perdent pas d’argent, il faut que la voiture soit rendue a minima au bout de vingt‑quatre mois, sinon elle est hors du marché, ce qui oblige le constructeur à abonder auprès de son réseau", rappellent‑ils.

 

C’est d’ailleurs la période que propose RCI Bank depuis 2019, bien que le constructeur lance, comme nous l’avons vu, une offre à six mois. En outre, monter un dossier, payer une commission aux vendeurs pour que le dossier puisse être potentiellement clôturé quelques mois plus tard n’a aucun intérêt financier. Pour au‑ tant, tout n’est pas jeté. "L’offre sans engagement assure des ventes additionnelles, une visibilité de la marque et permet de toucher à la marge une nouvelle clientèle, constatent Jean Achard et Grégory Tinon. Elle permet également de rassurer des automobilistes qui ne se seraient pas forcément tournés vers la marque."

 

Certains des interlocuteurs interrogés n’hésitent d’ailleurs pas à comparer le sans engagement aux offres de garantie longue durée, comme celle mise en place par Kia il y a une quinzaine d’années. "C’est un outil marketing parfait pour faire parler de soi, même si le risque n’est pas toujours entièrement chiffré", glisse un fin connaisseur du dossier. D’autres mentionnent d’ailleurs que dans les faits, le sans engagement existe chez beaucoup de constructeurs. "Sur un contrat de trente‑six mois, beaucoup rappellent leurs clients à partir de la deuxième année pour leur proposer de changer de véhicule avec des conditions adaptées", poursuit ce dernier.

 

D’ailleurs, si Seat et Hyundai ont en fait un argument de communication, Renault reste assez discret sur le sans engagement. "Nos études montrent que 88 % de nos clients sont satisfaits de leur LOA, indique Thibault Paland. Je pense qu’il ne faut pas forcer le marché, mais notre rôle est d’être force de proposition et le sans engagement en fait partie." "Il est indéniable que tous nos clients ne passeront pas par le sans engagement, mais il s’agit d’une offre complémentaire, rappelle Lionel French Keogh. C’est aussi clairement un outil de conquête et en tant que constructeur, nous devons mettre à disposition de nos clients plusieurs solutions de financement et de mobilité." De plus, les constructeurs ne signent pas un blanc‑seing sur ces contrats. Une partie ou l’intégralité du coût est supportée par le client, "ce qui d’ailleurs ne pose pas de problème, car le consommateur est prêt à payer ce service, observe Lionel French Keogh. Reste à placer le curseur pour qu’il soit accepté.

 

Le sans engagement et la location courte durée

 

Si tous s’accordent à dire qu’il s’agit d’un service bien inscrit dans l’air du temps, personne ne sait quelle proportion il prendra et quel impact il aura. De plus, le sans engagement qui repose sur des contrats de LOA ou de LLD pourrait rapidement se heurter à d’autres offres de location comme la LCD.

 

Ce ne sont que des exemples comme tant d’autres, mais Leasys France ou Free2Move du groupe Stellantis proposent des offres de location qui, avec un ticket d’entrée de quelques centaines d’euros par an (199 euros pour Leasys, 270 euros pour Free2Move), donnent accès à un véhicule du constructeur disponible n’importe où en France avec un loyer préférentiel.

 

Entre la location courte durée et les diverses offres de mobilité avancées par les constructeurs qui, par nature, sont vraiment sans contraintes et le financement sans engagement qui ne l’est qu’après un certain laps de temps et sur lequel le constructeur n’a que très peu de visibilité sur la rentabilité, quel service prendra le pas sur l’autre ? Probablement aucun, car ils se complètent sans forcément se chevaucher. Et, au final, c’est le client qui tranchera.

 

Par Christophe Bourgeois.

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